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Les frères Haüy

par Jacques Carpentier

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L'abbé René Just Haüy

 

Minéralogiste, géomètre et physicien, chanoine honoraire de Notre-Dame de Paris, membre de l'Académie des Sciences, de la Société philomathique de Paris et de la plupart des sociétés savantes de l'Europe et de l'Amérique, professeur de minéralogie au Muséum d'histoire naturelle (Jardin des Plantes et à la Faculté des Sciences de Paris, conservateur des collections minéralogiques de l'Ecole des Mines, etc...
 

 René Just Haüy naquit à Saint-Just-en-Chaussée le 28 février 1743 (1). Il commença son éducation avec les religieux de l'Abbaye de St-Just. Puis, il fut conduit à Paris pour y continuer ses études, et, après sa promotion au professorat, il fut ordonné prêtre et passa au collège du Cardinal Lemoine.
René Just Haüy étudia d'abord les plantes des environs de St-Just. On dut à ses méditations la première idée de la méthode analytique dont Lamarck fit un usage si utile dans la flore française.
Employé ensuite à Paris dans l'instruction publique, II se livra à l'étude de la physique et de la minéralogie, et acquit dans cette dernière science une célébrité que le temps n'effaça point par la découverte des lois de la cristallisation des minéraux.
Les premières découvertes de René Just Haüy en cette matière furent communiquées au célèbre Laplace qui l'incita à les communiquer à l'Académie.

Prêtre non assermenté

II était, dès 1783, membre de l'académie des Sciences. Il publia en 1784 son "Essai sur la théorie et la structure des cristaux", et en 1787 "Exposition raisonnée de la théorie de l'électricité et du magnétisme".
Vint la Révolution et, comme il refusa de prêter serment à ta Constitution, il fut arrêté le 10 août 1792 en tant que prêtre réfractaire et emprisonné dans le séminaire de St-Firmin, qu'on avait transformé en prison.

 

 Il fut libéré le 14 août, quinze jours avant les massacres de septembre, grâce à l'intervention de Geoffroy Saint-Hilaire. II publia en 1793: 1e- Exposition abrégée de la théorie de la structure des cristaux ; 2e - De la structure considérée comme caractère distinctif des minéraux ; 3e - en 1794, Instruction sur les mesures déduites de la grandeur de la terre et sur les calculs relatifs à leur division décimale, souvent réimprimée.
En 1793, la Convention le nomma membre de la commission des poids et mesures, puis conservateur du cabinet des mines. En 1794, il est professeur à l'Ecole Normale.
En 1801, il publie son ouvrage majeur, le "Traité de minéralogie", qui le rendit justement célèbre et qui fait que l'on considère Haüy comme le grand fondateur de la minéralogie. Aujourd'hui encore, les savants minéralogistes du monde entier se réfèrent à René Just Haüy.

Napoléon lit ses œuvres

En 1802, il fut appelé à la chaire de minéralogie du Muséum d'histoire naturelle, dont il quadrupla les collections. Napoléon le remarqua, et, en 1815, dans une visite que l'Empereur fit au Muséum d'histoire naturelle : "Monsieur Haüy, lui dit-il, j'ai emporté votre physique à l'Ile d'Elbe, et je l'ai relue avec le plus grand intérêt". Il le nomme Officier de la Légion d'Honneur. René Just Haüy mourut le 1er juin 1822.
Cuvier prononça sur sa tombe, au nom de l'Institut, un discours dans lequel, après avoir caractérisé sa découverte, il ne craint pas de la comparer, par analogie, à celle qui assure à Newton une gloire impérissable.
La ville de Saint-Just-en-Chaussée a donné le nom de René Just Haüy à l'une de ses rues. Un monument à la mémoire des frères René Just et Valentin Haüy fut érigé place de l’Hôtel de Ville, et inauguré le 8 novembre 1903.

(1) Les parents de René Just et Valentin Haüy habitaient en face de l’Hôtel Dieu, rue Talbouis, au dessus du chemin de fer. Cette modeste masure fut détruite vers 1853, lorsque pour agrandir l’emplacement du magasin de M. Fauvely, on rasa toutes les maisons. 

 Jacques Carpentier

 
Valentin Haüy  


Valentin Haüy, frère de l'abbé René Just Haüy naquit à St-Just le 13 novembre 1745 et manifesta aussi, dès son enfance, de rares
dispositions intellectuelles, sans toutefois posséder les qualités si remarquables de son aîné.
Le futur philanthrope eut pour marraine l'abbesse de l'Hôtel-Dieu et pour parrain un conseiller du roi, contrôleur des bois et domaines de la Généralité d'Amiens.
Comme pour son frère, les religieux de l'abbaye de St-Just s’étaient chargés de la première éducation de Valentin le prieur avait conseillé à son père de faire poursuivre les études de leurs fils dans la capitale. La famille s'y installa dès 1751, de sorte que Valentin qui n'avait alors que six ans, ne reçut à St-Just que des rudiments d'instruction.
De même que son aîné, il fit ses humanités et sa philosophie avec quelques succès, en l'université de Paris. Ses goûts le portèrent vers l'étude des langues : outre le latin, le grec, l'hébreu, il en arriva à pratiquer une dizaine de langues vivantes. De la traduction des documents officiels, notariés, commerciaux ou privés, il fit son gagne-pain et put bientôt se prévaloir des titres d'interprète du roi, de l'Amirauté et de l'Hôtel de ville.
Antérieurement, il avait été élu agrégé, puis membre du bureau académique des écritures, que venait de fonder Louis XVI. Car il est important de le souligner, il s'était également fait une spécialité du déchiffrement des manuscrits anciens, français ou étrangers et des graphies secrètes. Dès 1771, les préoccupations du Lieutenant de police l'avaient orienté vers l'étude des systèmes codés. Sous la Révolution, il est affecté au dépouillement de la correspondance en langues étrangères et des messages chiffrés, accumulés de la maison des Postes, et dix ans plus tard, lors de ta conspiration de Cadoudal, sous un gouvernement qui pourtant ne l'aimait guère, on fait encore appel à son talent.
II était employé aux affaires étrangères lorsqu'il fut frappé par les procédés d'une pianiste aveugle qui «lisait» avec les doigts ses notes de musique représentées par des épingles piquées sur de larges pelotes.

 

 

Ce fut le point de départ de la création de sa méthode pour apprendre à lire aux aveugles.

Des caractères en relief pour les aveugles

II fut le premier à appliquer le principe du relief pour la lecture des aveugles. Après avoir d'abord fabriqué des lettres en bois, il inventa des caractères gaufrés sur du carton. Grâce à l'appui de son frère, il put montrer les résultats de son enseignement devant l'académie des sciences : « II emploie, dit le rapport, des caractères en relief que l'aveugle s'accoutume à reconnaître au toucher. Ces caractères sont mobiles et séparés comme ceux des imprimeurs, on en forme des lignes sur une planche percée d'entrailles ».
Vergennes et Galonné appelèrent l'attention de Louis XVI sur ces procédés et le roi autorisa la fondation pour douze aveugles d'une société philanthropique dont La Rochefoucauld-Liancourt fit partie. Haüy reçut douze livres par élève et par mois. Ce fut l'origine de l'Institution royale des Jeunes Aveugles (dont Braille fut l'élève).
Haüy fit imprimer par ses élèves: Essai sur l'Education des aveugles (1786) ; notice historique sur l'Institution des enfants aveugles. L'enthousiasme avec lequel, quarante ans plus tard, les jeunes aveugles accueillirent l'alphabet Braille témoigne de l'imperfection de la solution proposée par Haüy au problème de la lecture digitale. Mais cela ne diminue en rien les mérites du précurseur. Sans lui, en 1819, à la date où Louis Braille entra à l'Institution royale, il n'y aurait sans doute pas eu d'école pour jeunes aveugles. Braille serait demeuré dans son village, analphabète et inculte et Dieu sait qui aurait trouvé le procédé convenant exactement aux impératifs de la psychologie tactile.
En 1806, Valentin partit à Saint-Pétersbourg fonder un établissement semblable, qui périclita. Il revint chez son frère en 1817, et mourut quelques mois avant lui. Il fut inhumé le 19 mars 1822. Le corps de Valentin Haüy repose au Père Lachaise où fut également inhumé l'abbé René Just.

Une carte postale éditée le jour d'émission du timbre à l'effigie de Valentin Haüy (1959) montre l'Institution des Jeunes Aveugles qu'il fonda à Paris.

Jacques Carpentier