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Questions d'Archéologie dans l'Oise
Georges-Pierre Woimant
Conservateur territorial en chef du patrimoine  Archéologue

 

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         Les sites archéologiques, immobiliers, sont, pour simplifier, de deux types et ont deux statuts. Ou bien ce sont des espaces aménagés par l’homme, où les vestiges sont soit enfouis soit plus ou moins en relief ; ou bien ce sont des constructions particulières, soit édifices monumentaux soit petits édifices, comme temples, théâtres, thermes, et même caves, pour l’antiquité, et comme groupes cathédrales, monastères, églises, bâtiment civil ou administratif ou militaire, chapelles, sépultures, petits monuments, encore caves, etc. pour le moyen âge et après. Les statuts dépendent de la propriété publique et privée. À chacun sont associés des objets mobiliers déposés dans des conservatoires, soit isolés soit réunis en collections, sur place ou non. Sites et conservatoires reçoivent des aides financières publiques en priorité dans le cas de protection par des classements ou des inscriptions Monuments Historiques.


Champlieu: Les Thermes

          Dans l’Oise, trois grands sites monumentaux antiques sont ouverts, Vendeuil-Caply, près de Breteuil, sur la Communauté de Communes des vallées de la Brèche et de la Noye (CCVBN), Champlieu, commune d’Orrouy, sur la Communauté de Communes du Pays de Valois (CCPV), tous les deux autrefois propriété de l’État, enfin les arènes de Senlis, propriété de la Société historique et Archéologique de Senlis. Ils sont aujourd’hui maintenus dans un état correct de simple visite de curiosité et de promenade. Par ailleurs, trois villes, anciennes cités romaines, ont une enceinte datée de la période des invasions, dont les vestiges sont plus ou moins bien conservés, mis en valeur et accessibles au public, d’autant qu’ils sont souvent intégrés à des constructions médiévales (palais épiscopaux, églises cathédrales…). D’autres sites de bien moindre dimension, sont aussi visibles, certains ont été aménagés à la suite de fouilles récentes, comme le temple de la forêt d’Halatte à Ognon ou la villa Bufosse à Verneuil-en-Halatte, d’autres ont été laissés dans l’état de leur découverte au XIXe siècle, comme les vicus de la Ville des Gaules, près de Pierrefonds, ou de la Carrière du Roi, près de Saint-Jean-aux-Bois, commune de Morienval, en forêt domaniale de Compiègne.


Champlieu: Élément de fouille. Cour 1.

            Les collections issues des fouilles des XIXe et XXe siècle pour ces sites antiques sont, hors celles du Musée des antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye, soit à Compiègne, au Musée Antoine Vivenel, pour Champlieu, soit à Breteuil, pour Vendeuil-Caply (un musée dit « de la région de Breteuil est en cours de construction près du site à Vendeuil), soit au Musée d’art et d’archéologie de Senlis, pour les arènes et le temple de la forêt d’Halatte. Dans les musées correspondants sont retrouvés aussi quelques éléments architectoniques de grands édifices publics réutilisés dans les fondations des enceintes antiques tardives et découverts lors des aménagements urbains.

            La villa Bufosse de Verneuil-en-Halatte, présentée in situ, a son mobilier au musée local de la Mémoire des Murs ou Musée Serge Ramond. Pour Champlieu et Vendeuil, les collections de mobilier sont devenues propriété du Département de l’Oise en 2007 à la suite du transfert de ces sites, mais elles restent déposées dans les musées municipaux locaux où elles ont toujours été, aux musées de Compiègne et de la région de Breteuil, et n’ont pas été reprises par le musée départemental à Beauvais.
            Les sites enfouis, par ailleurs nombreux, sont identifiés soit par leur aspect morphologique, soit par le mobilier récolté en prospection, soit pas la fouille. Les plus célèbres sont : Verberie, Jonquières, Choisy-au-Bac, Breuil-le-Sec, Gournay-sur-Aronde, Champlieu, Estrées-Saint-Denis et Compiègne, présentés au musée Antoine Vivenel à Compiègne ; Catenoy, Ognon, Montataire, Chambly et Senlis au Musée d’art et d’archéologie de Senlis ; Saint-Maur, Tartigny, Boury-en-Vexin, Beauvais le Canada, Saint-Martin-Longueau, Bulles, au musée départemental à Beauvais, etc. Il s’agit pour l’essentiel de recherches antérieures à celles de l’archéologie préventive réalisée par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Le mobilier de ces dernières fouilles de l’INRAP, très important, est en attente d’intégration à des structures muséales. Les nombreuses découvertes renouvelleront complètement ces prochaines années les collections. Bien que peu spectaculaires, les sites enfouis ont parfois des situations remarquables dans le paysage avec des aménagements stratégiques, comme pour les camps à barre et les oppida, et il est important de les faire connaître, les protéger, les mettre en valeur. Comme beaucoup ont partie liée à des caractères paysagers naturels aux multiples autres attraits, écologiques, touristiques, etc.,

leur signalement par des panneaux et plaquettes informatifs, avec la création de chemins de découvertes ou de mémoire, sont d’autant plus intéressants. Les voies antiques et les sites fortifiés en font bien sûr aussi partie et méritent d’être signalées.
           Quant aux édifices de l’architecture monumentale ou de l’archéologie monumentale, élevés depuis le moyen âge, bien connus, restaurés à grand coût et jamais finis, ils ont tous pour les plus remarquables, comme les cathédrales, depuis bien longtemps leurs diverses monographies ou plaquettes, revues périodiquement, les dernières signées par Arnault Timbert. Avec l’essor du tourisme, une nouvelle dimension leur est recherchée, mais il faudrait aussi un nouvel intérêt, qu’il resterait à définir, car ils ne sont pas toujours visités pour eux-mêmes, comme la cathédrale de Beauvais, dont l’horloge astronomique est l’attraction première. Les petits édifices font l’objet depuis quelques années de nouvelles mises en valeur par des restaurations importantes, complètes, dans lesquelles les collectivités, surtout le Département, sont aussi très impliquées, avec des aides importantes de l’État. Ainsi, les Programmes prioritaires d’intérêt départemental (PID), pour lesquels un premier inventaire avait été dressé il y a 20 ans par les Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE), concernent tant des édifices territoriaux que privés ; édifices pris isolément ou réunis par secteur, comme ceux de la région des Sablons (Pays de Thelle), ou des vallées de l’Autonne, de la Brèche, de la Noye, de la Celle. Il est dommage que ces interventions restent assez discrètes, soit souvent des affaires réglées entre élus et architectes. Les archéologues sont parfois prévenus trop tard, alors qu’il y a là des occasions uniques de faire quelques recherches et reconsidérer l’histoire du lieu. Le mobilier de ces édifices est rarement dans des musées, sauf exception pour le Musée de l’Archerie à Crépy, et il est plutôt conservé sur place avec tous les problèmes de préservation et de sécurité que cela pose. Sa restauration bien souvent associée à celle du bâtiment, est liée à sa conservation par son inventaire dans le cadre des objets mobiliers par un conservateur qui de plus en plus est pris en charge par les départements, comme actuellement dans l’Oise, à mi-temps. Ces actions profitent surtout aux habitants de la commune par l’embellissement des lieux et par le mobilier remis en état et rendu au culte des fidèles de la paroisse. Il reste dommage que le grand public ne puisse pas vraiment en profiter plus largement, car les manifestations qui en font ouvrir les portes restent épisodiques, et les informations se limitent à la presse locale, sans plus de communication, malgré l’importance des sommes engagées. L’intérêt historique et archéologique est souvent pourtant important. Des plaquettes systématiques seraient indispensables, du type de la série « Archéologie en Picardie » pour les fouilles, qui rendraient compte des travaux et feraient un état des lieux et des objets mobiliers dont on découvre encore épisodiquement quelques pièces rares.

            D’autres édifices, pour la plupart privés, issus des grands monastères qui ont en grande partie forgé notre paysage à partir du moyen âge, sortent peu de leur anonymat, que ce soit en ville ou dans les campagnes. Parmi les rares exemples en cours d’aménagement sont l’abbaye du Moncel à Pontpoint et la maladrerie Saint-Lazare à Beauvais. Même si pour beaucoup il ne reste plus grand chose d’apparent, réduits à être des sites enfouis surtout depuis leur destruction à la Révolution, mais déjà avant, il devient nécessaire de multiplier à proximité les panneaux informatifs et dresser des cartes de parcours culturels. En parallèle, l’archéologie civile et celle militaire posent des problèmes voisins de connaissance et mise en valeur, mais elles sont mieux connues. Il existe encore et enfin l’archéologie dite industrielle, qui a sa place comme site, avec un mobilier généralement conservé sur place ; elle n’est pas négligeable, mais demande des ouvertures culturelles que pédagogie surtout (question de programme) et tourisme favorisent encore mal.

            Grands ou petits, la plupart de ces sites, manquent d’études modernes dites de l’archéologie du bâti qui associe architecture visible dans ses divers états et l’archéologie avec ses stratigraphies. Les outils informatiques devraient permettre de faire avancer toutes ces connaissances et ses moyens de divulgation, notamment en réalisant des relevés de plan et d’élévation.

            Sites archéologiques et édifices constituent, avec leur mobilier, un patrimoine ou une mémoire dont la reconnaissance est loin d’être faite, et où les mises en valeur réclament beaucoup d’efforts, dans des objectifs culturel et scientifique, mais encore éducatif et touristique. Les publications sont souvent très scientifiques ou techniques ; les ouvrages et les plaquettes grand public ou scolaires manquent. Les acteurs en faveur de ces actions sont de plus en plus nombreux aujourd’hui à s’intéresser à ce patrimoine et le public est demandeur, que ce soit pour sa culture ou

son agrément, comme cadre de manifestations ou d’animations. Enfin, ces sites sont aussi des champs d’étude et de formations pour les archéologues de terrain ; les programmes de recherches qui ont fait de l’Oise une de régions les plus riches ne demandent qu’à reprendre. L’université et la recherche sont solliciteurs, que ce soit pour la connaissance ou  pour la formation des étudiants et chercheurs de tout organisme.

            Les principaux acteurs de cette archéologie sont : pour l’architecture (l’architecte conservateur monument historique (MH) et l’architecte de bâtiments de France (ABF) de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), les architectes en chef MH et ceux spécialisés travaux MH, et l’Inventaire), pour l’archéologie (le Service régional de l’archéologie de la DRAC, l’INRAP, les services archéologiques de collectivités de Noyon et de Beauvais, les associations, comme le CRAVO et le CAHMER - Centre d'archéologie et d'histoire médiévales des établissements religieux -, les sociétés historiques et archéologiques, l’Université de Picardie, les laboratoires de recherches, leurs revues et périodiques spécialisées, comme la RAP - Revue archéologique de Picardie, le CAHMER, le GEMOB - Groupe d'Etude des Monuments et Œuvres d'Art de l'Oise et du Beauvaisis - et aussi les acteurs de la restauration, comme CONSERVARE, ancienne association IRRAP - Institut de restauration et de recherches archéologiques et paléométallurgiques -, et comme à l’abbaye du Moncel à Pontpoint le Club du Vieux- Manoir, ou bien à l’abbaye Lieu-restauré à Bonneuil-en-Valois son association… Pour les sites de forêt l’ONF est encore un partenaire avec les quelques postes d’archéologues qu’il  a créé au niveau national. Les métiers du patrimoine archéologique, de plus en plus nombreux, sont ici volontairement laissés de côté, mais pas oubliés. Enfin, dans le cadre des jumelages, indiquons les échanges avec les archéologues siciliens et les projets concernant ceux slovaques.

   
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